Manifeste pour le Fantastique


« A mesure qu'on lève les voiles de l'inconnu, on dépeuple l'imagination des hommes. Vous ne trouvez pas, Monsieur, que la nuit est bien vide et d'un noir bien vulgaire depuis qu'elle n'a plus d'apparitions. On se dit : « Plus de fantastique, plus de croyances étranges, tout l'inexpliqué est explicable. Le surnaturel baisse comme un lac qu'un canal épuise ; la science, de jour en jour, recule les limites du merveilleux. »
La peur, Guy de Maupassant

 Des vertus de la Peur


Si le fantastique, cet étrange inconnu, génère chez nous un sentiment d’angoisse, il a également le don de nous inspirer, et, paradoxe merveilleux, si la peur éprouvée dans le réel nous prend à la gorge, transposée dans l’art, elle a le don de nous rassurer. Car affronter ses craintes dans un environnement sain et protecteur, nous procure un sentiment de contrôle. Plaisirs et frayeurs se mélangent alors dans une saine euphorie. Galvanisé par cette étrange allégresse, on accepte mieux ce qui nous échappe, on déterre les profondes racines de nos inquiétudes et côtoyons avec sérénité l’indicible.

Mais pourquoi aime-t-on avoir peur ?

On aime avoir peur par transposition, pour mieux appréhender la réalité. En expérimentant de manière sécurisée la part de douleur du monde à travers l’art, on se venge de l’absurdité de la vie et vivons des transformations symboliques exutoires.

Qu’est-ce que le fantastique au juste ?


 C’est une frontière entre le visible (réel) et le supposé (l’invisible), lorsque le voile de la réalité se déchire, il révèle le supposé aux regards incrédules. C’est l’ivresse avant la bascule, la peur avant le grand saut. C’est une confrontation.

A la différence du Merveilleux qui pose les codes du surnaturel comme établis pour réels, le fantastique est le médium du doute. Il peut être subjectif et se manifester à travers ses personnages quant à la perception de leur environnement, révélant une part refoulée de leur être. Comme il peut être un Etat, c'est-à-dire un univers intrusif, dont les codes ébranlent la normalité et les croyances des héros. D’ailleurs, se sont souvent ceux qui ne saisissent pas de ces nouvelles règles qui succombent les premiers, tels les adolescents d’Elm Street ou les enfants dans Ça… . Le fantastique impose donc au lecteur comme au héros, une part de résilience, sans laquelle il est impossible de s’y plonger pour les uns… et d’y survivre pour les autres.

Le fantastique est pourvoyeur de Mythologies

Parfois le genre devient cosmogonie tel le Mythe qui transcende le réel et s’impose comme un substitue de celui-ci. Chtulu, Le Monstre de Frankenstein, le vampirisme, Evil Dead, les zombies, les Cénobites… sont également des Mythes. Comme son homologue mythologique, le fantastique n’a pas d’autres desseins que la connaissance de soi. Il est le miroir des états. Sachant que le miroir est un élément récurrent dans les récits fantastiques (Alice à travers le miroir, Occulus…), il est à la fois une porte et le reflet d’un autre soi.

Le fantastique est le cousin artistique de la folie. 

L’univers du fantastique que ce soit dans ses représentations littéraires ou cinématographiques étant à
la lisière du réel, il est un exercice borderline et polysémique dans lequel se dissimule pléthore de sujets plus ou moins sulfureux. Dans ce royaume de la confusion, voir de l’intrusion, la folie figure parmi l’une des plus frémissantes illustrations. Parce qu’elle touche à l’intime, à la fragilité de notre psyché, elle génère une crispation, une frayeur sournoise et silencieuse. Il n’y a guère que les saints d’esprits qui la redoutent, mais elle reste à la portée de tous. Selon, Francisco de Goya « le sommeil de la raison produit des monstres » et le fantastique est le cousin artistique de la folie, dans la mesure où celui-ci épouse et met en scène une représentation du monde qui bascule selon un mode de pensée altéré. Dans le domaine de la littérature, Le Horla de Guy de Maupassant est un des paradigmes les plus éloquents de ce parallèle folie / fantastique et dans le genre cinématographique, nul n’est censé ignorer Shining de Stanley Kubrick (adapté du livre de Stephen King) dans lequel le réalisateur démontre avec maestria comment un processus créatif peut conduire à l’aliénation.

Vous l’aurez compris, le fantastique est un des rares médiums à offrir plusieurs grilles de lecture. L’aborder c’est expérimenter le courage d’affronter ce qui nous échappe.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Intentions de l'auteur

Bataille pâtissière 😊